WONG KAR WAI

Le maître de l'esthétique

 
Wong Kar Wai (Wang Jiawei en chinois mandarin) est un cinéaste rare, unique. Il est sans nul doute l'un des réalisateurs les plus novateurs du cinéma contemporain (et pas seulement en Asie). Son style, son esthétique sont reconnaissables entre mille, et au premier coup d'œil. Il représente ce cinéma asiatique esthétisant, qui fait rêver. Il fait aussi taire ceux qui croient que le cinéma de Hongkong se résume aux des films de sabre ("Wu xia pian") et aux multiples films de kung-fu de seconde zone.
C'est pourquoi je me propose ici de vous faire découvrir la carrière de ce réalisateur hors normes.

Wong Kar wai est né en 1958 à Shanghai. A l'âge de 5 ans (1963) il déménage pour Hongkong, emmené par sa mère mais laissant le reste de sa famille. A Hongkong, il emménage dans le quartier de Tsim Sha Thui (tout près des "Chungking Mansions", ce qui lui donnera sans doute l'idée du titre de son 4ème film : Chungking Express) où il se sent déraciné (il ne parle alors pas cantonais). Il a cependant une passion pour la littérature et le cinéma (où il va souvent avec sa mère qui est elle-même passionnée de cinéma). Son adolescence est plutôt mouvementée : il boit, se bat, fait des virées dans des voitures volées…
Pourtant Wong Kar Wai parvient à entrer à l'École Technique de Hongkong, où il étudie les arts graphiques. Il peut ainsi s'adonner à une de ses passions : la photographie. Et c'est à l'âge de 19 ans qu'il effectue un stage au sein de la TVB, société de production de télévision locale.
Il y restera finalement 5 ans. Il devient assistant de production, puis scénariste de téléfilms et de séries télévisées. Il intègre ensuite l'équipe de scénaristes sous la coupe de Barry Wong (grand scénariste hongkongais des années 80) et commence ainsi à travailler dans le milieu du cinéma. Il est amené ainsi à goûter à tous les genres : du kung-fu au soft-porn, du sentimental au policier. Et à partir de 1981 il écrit pour la série policière très populaire à l'époque "Don't look now".

En 1982, Wong Kar Wai décide de voler de ses propres ailes. Il démissionne de la TVB et travaille en free lance pour des productions cinématographiques. De cette manière il est l'auteur d'une cinquantaine de scénarios (mais il est au générique d'une dizaine seulement), dont celui de "The final Victory" de Patrick Tam (en 1987).

En 1988, Wong Kar Wai est contacté par le producteur Rover Tang pour écrire et réaliser le second épisode d'un trilogie centrée autour d'un personnage : Ah Wah (interprété par Andy Lau). C'est ainsi que naît son premier film : As tears go by.

Le film décrit une histoire sentimentale entre Andy Lau et Maggie Cheung , le tout sur fond de guerre entre triades (très à la mode depuis le succès de "Syndicat du crime / a better tomorrow" de John Woo). Wong Kar Wai exprime déjà les qualités qui feront sa renommée internationale : une esthétique hors du commun et une grande maîtrise du cadrage et du découpage. Le film est un succès et est nominé 9 fois au festival du film de Hongkong et participe à la semaine de la critique du festival de Cannes en 1989.

Il se lance dans un second projet, plus personnel qui sortira en 1990 sous le titre de "The days of being wild" (nos années sauvages). Wong Kar Wai juxtapose plusieurs histoires de la jeunesse hongkongaise. The days of being wild devient la référence cinématographique de la jeunesse asiatique de l'époque. De plus il est récompensé de 5 prix au festival du film de Hongkong.

Wong Kar Wai veut mettre en scène un film de sabres (Wu xia pian).

C'est ce qu'il entreprend avec son troisième film Ashes of time (les cendres du temps). Il s'inspire des écrits de Jin Yong et notamment de "the eagle shooting hero". Le cinéaste tente (et réussit) de donner une dimension métaphysique au genre. Le budget est de 40 millions de HK dollars et un nombre impressionnant de stars sont engagées.

Sitôt sorti de ce film, Wong Kar Wai est déjà sur le tournage de Chungking Express, caméra au poing dans les rues de Hongkong, sans autorisation. Il réalise ainsi le film culte (cf. article sur Chungking Express) qui le fait connaître dans le monde entier.

1995, c'est Fallen Angels (les anges déchus). Au départ, Fallen angels devait être la troisième partie de son film précédent. Le même sujet est traité que dans Chungking express, à savoir l'amour durable impossible, les êtres solitaires…

Puis changement de cap. Wong Kar Wai tourne en Argentine ce qui devient Happy Together en 1997. Le titre initial était "The Buenos Aires Affair" du nom d'un roman de l'écrivain argentin Manuel Puig. Wong décrit ici une histoire d'amour qui est en train de se terminer entre deux hommes (Tony Leung et Leslie Cheung). Si le film est un succès en Europe (récompensé à Cannes), il fait scandale en Asie, car il touche au tabou de l'homosexualité.

C'est ainsi que Wong Kar Wai se heurte au refus des autorités chinoises (entre temps il y a la rétrocession de Hongkong à la Chine) pour son projet suivant : une comédie musicale intitulée "Somewhere in Beijing".

Il remet donc cela à plus tard et se consacre à "In the mood for love". Il met en scène deux de ses acteurs de prédilection (Tony Leung et Maggie Cheung) qui portent littéralement le film sur leurs épaules. Au départ le film comportait trois histoires, finalement Wong se concentre sur une seule histoire, celle qui se déroule dans les années 60. Le thème y est une fois de plus : l'amour impossible.

Enfin le dernier projet en date est "2046" un film de science fiction qui réunirait une distribution internationale et qui serait tourné dans plusieurs pays d'Asie.

 

 

Filmographie

1988 As tears go by

1990 The days of being wild - nos années sauvages

1994 Ashes of time - les cendres du temps

1994 Chungking Express

1995 Fallen angels - les anges déchus

1997 Happy Together

2000 In the mood for love